Les besoins de transport des entreprises émanent de la nécessité de faire circuler des flux de biens, et de personnes. Mais de plus en plus, il convient non seulement de transporter ces flux, de les faire circuler, d’assurer leur transfert physique mais aussi d’organiser la circulation de ces flux. L’importance croissante des flux à traiter oblige à reconsidérer la gestion de la circulation qui gagne en importance et qui trouve sa traduction dans l’évolution de la conception traditionnelle de la logistique, qui au-delà de sa dimension opérationnelle, revêt peu à peu une dimension stratégique. Le rôle de la logistique devient, tant pour les groupes que pour les PME, un facteur stratégique de différenciation par rapport à leurs concurrents. L’efficacité de la circulation désigne ainsi l’aptitude des entreprises à mettre en place des échanges coordonnés et performants, et non plus uniquement à faire transporter leurs flux au moindre coût ou dans des conditions de transport optimales. La circulation efficiente des biens dépend de la capacité de contrôler et de réguler les flux, de leur adaptation aux rythmes et contraintes de la production, de leur flexibilité et de leur fiabilité, ainsi que de l’association étroite entre flux de biens et flux d’informations, dans un but de « traçabilité ».
Aussi, si un niveau minimal d’accessibilité est nécessaire pour la circulation, l’explication de son efficacité est à rechercher plutôt dans l’organisation des flux que dans les propriétés des systèmes de transport (Burmeister et alii in Dupuy et Burmeister, 2003). Les modifications des conditions de transport dans un sens de durabilité vont avoir une influence sur le transfert physique des flux, mais n’auront pas d’implications automatiques sur la dynamique génératrice de flux. Les actions des politiques de transport durable vont ainsi modifier les conditions de circulation, mais n’impliquent pas automatiquement des évolutions de l’organisation de cette circulation. Or, c’est cette dernière qui va conditionner les besoins de transport et l’utilisation réelle du système de transport.
Contrairement au schéma traditionnel, il n’existe en effet pas une seule logique de circulation, axée autour de l’optimisation des conditions de transport, mais une vaste gamme de moyens d’organiser la circulation selon le registre de coordination des activités productives privilégié. La multiplicité des relations inter-firmes amène en effet à repenser l’organisation des interactions avec les acteurs de l’environnement productif de la firme, l’organisation de la circulation des flux de biens, de personnes et d’informations avec ces acteurs, et génère des besoins de transport spécifiques.
Aussi, à des formes de coordination particulières vont correspondre des organisations logistiques spécifiques qui vont conditionner des besoins de transport variés et des appropriations différentes des évolutions du système de transport permises par l’action publique.
Autrement dit, les spécificités de la coordination entre acteurs productifs, caractérisées par exemple par les contraintes des fournisseurs, des clients, les contraintes de produits ou d’approvisionnements, vont se traduire par une organisation logistique spécifique : à une logique industrielle (i.e. une production de biens intermédiaires en grande série comme dans le secteur de la chimie) correspondra plutôt une logistique industrielle fondée uniquement sur le critère de coût où tous les modes de transport seront externalisés ; à une logique flexible (biens de consommation, production de masse mais différenciée comme le secteur de la confection ou de l’agro-alimentaire) correspondra plutôt une logistique « flexible » basée sur des critères de fiabilité et de flexibilité où le transport routier sera externalisé.
31C’est pourquoi les objectifs d’une politique de transport dite durable nécessitent de considérer également les éventuels changements de l’organisation logistique qu’elle soutient, voire les évolutions des modalités de coordination entre les acteurs. Dans cette optique, évaluer une politique de transport axée sur la durabilité nécessite d’envisager l’activité de transport non pas comme un facteur de développement postulé, mais de revenir sur l’appropriation qui est faite des évolutions du transport par les usagers et sur les modifications que ces évolutions génèrent dans l’organisation des activités et des interactions entre les acteurs.